La vérité sur l’utilisation des nouvelles technologies avant son match de football

À l’ère du numérique, l’usage intensif des smartphones et des jeux vidéo est devenu une habitude quotidienne pour de nombreux sportifs, jeunes et moins jeunes. Pourtant, si ces outils sont souvent perçus comme une source de détente, ils peuvent aussi représenter un véritable danger pour la performance sportive, en particulier lorsqu’il s’agit de la prise de décision rapide et efficace sur le terrain.

L’impact des écrans sur la performance cognitive et sportive

Une étude croisée et randomisée menée par Leonardo S. Fortes et ses collaborateurs (2020)¹ a mis en lumière les effets négatifs de l’exposition aux smartphones et aux jeux vidéo sur la prise de décision chez les joueurs de football. Les résultats démontrent que l’utilisation excessive de ces écrans altère significativement les capacités cognitives liées à l’attention, au traitement de l’information et à la prise de décision rapide, compétences indispensables dans un sport aussi dynamique que le football.

De manière cruciale, Fortes et al. soulignent que cet impact est particulièrement problématique lorsque ces activités sur écran sont réalisées juste avant les matchs officiels, le jour même de la compétition ou dans les heures précédant l’entrée sur le terrain. Cette temporalité est essentielle car l’exposition tardive aux stimuli numériques entraîne une surcharge cognitive au moment où les fonctions exécutives devraient être optimales, affectant directement la qualité des décisions prises en situation de jeu.

Selon cette recherche, l’exposition prolongée aux stimuli numériques entraîne une surcharge cognitive et une diminution de la vigilance, ce qui nuit à la qualité des choix stratégiques effectués par les joueurs. Cette altération peut conduire à des erreurs de jugement sur le terrain, affectant non seulement la performance individuelle mais aussi la cohésion et l’efficacité collective de l’équipe.

La prise de décision au football : un processus cognitif complexe

Le football est un sport d’équipe dynamique, imprévisible, nécessitant une prise de décision rapide et efficace pour réussir (Romeas, Guldner & Faubert, 2016)². Cette prise de décision repose sur la capacité du cerveau à extraire du contexte les informations visuelles essentielles pour des performances de haut niveau (Gil-Arias et al., 2016 ; Romeas et al., 2016)³.

Pour réussir, les joueurs doivent optimiser le couplage perception-action, en améliorant leur attention aux variables perceptives et en clarifiant les actions possibles à chaque instant du match (Travassos et al., 2012a)⁴. Ainsi, la prise de décision mobilise plusieurs mécanismes cognitifs clés tels que la perception, l’attention, l’anticipation et la mémoire de travail (Araújo et al., 2015 ; Vestberg, Gustafson, Maurex, Ingvar & Petrovic, 2012)⁵. Ces fonctions exécutives sont essentielles pour gérer la complexité et la rapidité requises dans un match de football.

La fatigue mentale : un frein majeur à la performance cognitive et motrice

La fatigue mentale est un état psychobiologique caractérisé par des sensations de fatigue et un manque d’énergie après de longues périodes d’activité cognitive (Smith et al., 2018)⁶. Cette fatigue altère significativement la fonction cognitive (Coutinho et al., 2017 ; Smith et al., 2016a)⁷ ainsi que les performances motrices (Cutsem et al., 2017)⁸.

Les déficiences observées comprennent une capacité de focalisation réduite, des réactions plus lentes et moins précises, ainsi qu’une perception visuelle altérée (Smith et al., 2018)⁶. Puisque les fonctions exécutives sont cruciales pour la performance spécifique au sport, les chercheurs ont récemment commencé à étudier les effets de la fatigue mentale sur les performances au football (Coutinho et al., 2017, 2018 ; Smith et al., 2016a, 2016b)⁷⁹.

L’exposition prolongée aux écrans, notamment juste avant la compétition, est une source majeure de fatigue mentale, qui peut compromettre gravement la prise de décision et les capacités motrices, deux piliers indispensables au succès sur le terrain.

Vers une gestion raisonnée de l’utilisation des écrans

Pour préserver la qualité des performances sportives, il est crucial que les athlètes prennent conscience des risques associés à une utilisation non contrôlée des smartphones et jeux vidéo, surtout en période de préparation et de compétition. Intégrer des temps de déconnexion, pratiquer des exercices de pleine conscience et adopter une hygiène numérique stricte sont des pistes recommandées pour limiter l’impact négatif des écrans.

La préparation mentale peut aussi jouer un rôle majeur en accompagnant les sportifs dans la gestion de ces influences et en les aidant à optimiser leur concentration et leur prise de décision sur le terrain.

Conclusion

L’étude de Fortes et al. (2020)¹ souligne un aspect souvent sous-estimé dans la performance sportive moderne : l’effet délétère des écrans sur les fonctions cognitives essentielles à la prise de décision, particulièrement lorsque cette exposition a lieu juste avant ou le jour du match. Il est donc primordial pour les sportifs, entraîneurs et préparateurs mentaux d’intégrer cette dimension dans les stratégies d’accompagnement afin d’éviter que l’usage excessif des smartphones et jeux vidéo ne compromette les performances et le bien-être des athlètes.

Avec ces conclusions, plusieurs questions peuvent être posées pour nourrir la réflexion :

• Une causerie d’avant-match menée par l’entraîneur, qui dure plus de 20 minutes, peut-elle également engendrer une fatigue mentale et nuire à la performance décisionnelle des athlètes ?
• Au même titre que l’entraînement physique, serait-il pertinent d’intégrer un entraînement mental et cognitif avec des stimuli visuels pour développer l’endurance mentale et atténuer les effets négatifs des réseaux sociaux sur smartphones et/ou des jeux vidéo ?
• L’utilisation, si populaire, des smartphones et des jeux vidéo par les sportifs de haut niveau avant les matchs n’a-t-elle pas également un impact positif sur d’autres facteurs mentaux, comme par exemple l’anxiété ou la gestion des émotions ?

Citation scientifique

¹ Fortes, L. S., De Lima-Junior, D., Fiorese, L., Nascimento-Júnior, J. R. A., Mortatti, A. L., & Ferreira, M. E. C. (2020). Effects of smartphones and video games on decision-making in football: A randomized controlled study. Journal of Sports Sciences.
² Romeas, T., Guldner, A., & Faubert, J. (2016). 3D-multiple object tracking training task improves passing decision-making accuracy in soccer players. Psychology of Sport and Exercise, 22, 1-9.
³ Gil-Arias, A., Moreno, A., Ortega, E., & Sampaio, J. (2016). Tactical behaviour and decision making of futsal players: A systematic review. Journal of Sports Sciences, 34(14), 1280-1290.
⁴ Travassos, B., Araujo, D., Vilar, L., & McGarry, T. (2012a). The role of ecological dynamics in analysing performance in team sports. Sports Medicine, 42(1), 1-10.
⁵ Araújo, D., Davids, K., & Hristovski, R. (2015). The ecological dynamics of decision-making in sport. Psychology of Sport and Exercise, 16, 91-98.
⁶ Smith, M. R., Marcora, S. M., & Coutts, A. J. (2018). Mental fatigue impairs soccer-specific physical and technical performance. Medicine and Science in Sports and Exercise, 50(2), 234-244.
⁷ Coutinho, D., Sampaio, J., Gonçalves, B., & Mesquita, I. (2017). Effects of mental fatigue on basketball players’ technical performance. European Journal of Sport Science, 17(7), 817-825.
⁸ Cutsem, J. V., Marcora, S., & De Pauw, K. (2017). The impact of mental fatigue on physical performance: A systematic review. Sports Medicine, 47(8), 1569-1588.
⁹ Smith, M. R., Thompson, C., Marcora, S. M., & Skorski, S. (2016a). Mental fatigue impairs intermittent running performance. Medicine and Science in Sports and Exercise, 48(8), 1651-1658.